La section Observations de projets se veut un espace de partage de connaissances sur un certain nombre de projets scéniques en téléprésence. Les études de cas présentées ci bas permettent de partager quelques expériences pertinentes avec la communauté de praticiens, en répondant notamment aux questions suivantes :
Onirisme est le second projet de téléprésence de la créatrice Isabelle Clermont, dont la première expérience, mêlant performances musicale et corporelle, s’intitulait Les Offrandes. Pour Onirisme, cette dernière souhaitait développer une œuvre qui soit à la fois riche et significative pour chacun des lieux connectés. Les intentions artistiques abordent à la fois la mise en scène et des méthodes de travail propres à la téléprésence.
La projection vidéo sur écran conventionnel peut souvent mener à un effet de mise à plat du contenu mis en scène. L’un des objectifs du projet Onirisme était donc de dynamiser l’espace scénique immersif à l’aide de surfaces de projection maléables, avec lequelles pouvaient intéragir les artistes.
Sur le plan scénographique, une surface de projection conventionnelle est installée à l’arrière de la scène surélevée, tandis qu’une autre consiste en un long spandex, installée plus bas et perpendiculairement à la scène. Cette surface élastique et maléable permettait de mettre en relation le corps des interprètes avec un élément de la mise en scène.
En effet, les interprètes pouvaient manipuler cette surface de projection, affichant l’image en provenance de l’autre lieu, pour faire manifester la présence ou l’absence du partenaire distant. En complément, des pendrillons en tulle éclairés, situés de part et d’autre du cadre de la scène, contribuaient au caractère dynamique et immersif de la scène.
Le recours à un grand nombre de surfaces de projection implique des ressources matérielles supplémentaires qui peuvent augmenter le niveau de complexité technique et les coûts associés au projet.
Suite à une première expérience, où l’équilibre entre les deux lieux semblait inégal par moment, la créatrice a souhaité rectifier la performance pour obtenir une intensité similaire de chaque côté.
En établissant une égalité des plateaux, la performance implique dorénavant la présence d’un-e interprète et d’un-e musicien-ne sur la scène de chaque lieu, en plus de présenter une installation scénique identique. En contrepartie, ce sont plutôt les actions des performeurs-euses qui diffèrent ou se complètent.
Par exemple, alors qu’une personne au lieu A se trouve dans un bain, la personne au lieu B crée des formes sur elle avec des acétates.
De plus, l’interdépendance entre les deux lieux permet de les mettre respectivement en valeur pour tous les publics; le dialogue entre les interprètes distants a été équilibré de sorte que le niveau d’expérience médiate et immédiate soit égal pour chaque public. Cette approche a permis de créer une expérience de valeur semblable pour chaque lieu et évite que le public d’un lieu soit seulement spectateur de ce qui se passe dans l’autre lieu.
Lors de sa première expérience en téléprésence, l’artiste avait peu conscience des contraintes du travail à distance. C’est pourquoi, des séances de travail préparatoire ont été initiées en amont de la résidence de Onirisme, pour que les partenaires puissent d’abord développer une chimie de travail dans une interaction plus direct et faciliter la poursuite du travail une fois à distance.
Ainsi, les deux interprètes ont eu l’occasion de dialoguer et de se rencontrer en personne lors de répétitions où, avec l’aide d’une chorégraphe, ils ont simulé la distance en s’isolant l’un de l’autre au sein de l’espace.
De leur côté, les musiciens ont pu échanger des extraits musicaux pour définir l’univers de chaque tableau, ne nécessitant par la suite que très peu de direction. Ces premières rencontres en personne, qui ne sont pas toujours possibles, se sont avérées, dans ce cas, un moyen efficace de développer une symbiose entre les partenaires et de plus facilement s’adapter au travail à distance par la suite.
Le développement du projet Bluff s’est échelonné sur plusieurs résidences. Ce processus a permis à l’équipe de création d’apprivoiser le médium de la téléprésence et de construire une œuvre de manière exploratoire et itérative. Les enjeux de recherche ciblés au moment de la seconde résidence ont été importants pour élaborer les bases du projet; il a été question de s’interroger sur le type de texte dramatique et les thèmes propices à la téléprésence, sur une scénographie permettant la spatialisation d’une assemblée circulaire - où trois publics distincts sont présents et se voient simultanément - et sur l’engagement du public dans le spectacle.
Ne parvenant pas à transposer un texte traditionnel dans le contexte de la téléprésence, l’équipe a décidé d’écrire son propre texte. La dramaturgie s’inspire des écritures contemporaines plus fragmentées et dans lesquelles les acteurs jouent leur propre rôle. L’objectif est de créer une interdépendance de jeu entre les acteurs et avec le public pour ancrer le texte dans l’actualité de la représentation.
Le texte a été composé à partir de jeux d’improvisation des acteurs. Le fait de jouer une situation actuelle fonctionne bien en téléprésence; le public remarque un “dégradé entre le non-spectacle et le spectacle” où l’on ne sait plus exactement si l’acteur joue un rôle ou non. De plus, le thème de la vérité et de l’authenticité trouve son écho dans l’expérience proposée aux spectateurs (comme une mise en abyme).
Sur le plan scénographique, le point de départ est de permettre aux acteurs de discuter ensemble de façon naturellee, en plus de pouvoir voir et s’adresser simultanément aux publics.
L’espace scénique proposée comprend deux grands écrans disposés en fond de scène, avec un angle de 120˚ entre eux, et qui affichent les publics distants pour créer une assemblée circulaire.
À cela s’ajoutent des écrans verticaux mobiles pour y projeter les protagonistes de la tête aux pieds.
La scénographie imaginée favorise l’adhésion, tant des acteurs que des publics, à l’expérience proposée. L’utilisation des écrans verticaux permet notamment de créer des scénographies sur mesure qui renforcent l’impression que les acteurs «jouent ensemble» grâce à la coordination naturelle des gestes et des regards.
Les deux grands écrans de fond de scène affichent tantôt les publics distants, tantôt les scènes distantes et parfois des éléments de contenu partagé (images).
Les acteurs se trouvent souvent dans une position bifrontale, avec le public face à eux et les autres acteurs/écrans en arrière. L’interprétation étant principalement guidée par la voix plutôt que par la vue, cela a nécessité une certaine adaptation - avec succès - de leur part.
L’interaction avec le public est envisagée comme moyen de rendre l’expérience de téléprésence plus dynamique et vivante. L’objectif est de mettre de l’avant l’expérience collective événementielle à travers une série de jeux permettant non seulement de connecter les acteurs avec le public, mais également de faire une démonstration de l’immédiateté de la téléprésence, puisque la participation du public a un impact sur l’expérience proposée.
L’interaction permet aux acteurs de se connecter avec leurs publics respectifs et de se sentir moins seul sur scène. Les stratégies employées varient de l’aparté (l’acteur seul avec son public) à des moments de vote collectif où les publics se prononcent sur une situation d’une scène distante.
L’interaction démontre ainsi au public que l’expérience a bel et bien lieu en direct. Il est important d’aller au bout de ce parti-pris pour que le public soit véritablement conscient que son action a une répercussion dans le jeu.
BiblioMix est l’un des premiers projets qui connecte trois lieux pour une journée entière, en ayant pour vocation à la fois de démontrer les possibilités de la téléprésence à un large public, et de faire participer l’ensemble de ce public à une activité d’idéation. Les questions de recherche abordent principalement les moyens de mettre en œuvre un tel projet.
L’objectif était de créer une scénographie qui favorise les rencontres et les échanges, en garantissant le contact visuel entre tous les participants. Étant donné que le programme de la journée est chargé, il est important de trouver une scénographie qui fonctionne pour toutes les activités afin de garder une connexion de téléprésence stable. Pour composer avec les contraintes de toutes les salles en termes d’équipement disponible et de qualité du réseau, le choix a été fait de limiter l’équipement et les flux, en utilisant seulement 3 écrans et 2 caméras.
La scénographie élaborée, avec deux grands écrans placés dans un angle de 120 degrés face à chaque public, donne la sensation d’une grande assemblée circulaire. La spatialisation du son, qui raccorde le son à l’image, complète l’immersion dans l’expérience et permet de distinguer facilement d’où vient l’interaction. En positionnant une caméra devant chaque écran projetant les publics distants, le jeu de regard fonctionne bien. De plus, on cherche à reproduire un effet de taille humaine, qu’il est parfois difficile d’obtenir. Le plan de caméra des publics fonctionne mieux dans les salles où le public est regroupé plus étroitement, permettant aux autres salles de voir l’ensemble du public.
La décision de positionner les conférenciers dos à leur public local pour faire face aux salles distantes, a favorisé le contact à distance mais il était difficile de créer une interaction entre celui-ci et sa propre salle. Cette relation était déstabilisante d’autant plus que les conférenciers n’étaient pas préparés. Un micro-casque pour le conférencier aurait maximisé sa capacité à se tourner pour regarder son public comme s’il était au centre d’un cercle. La position du conférencier dans ce contexte reste à développer.
Deux jeux ont été proposés, donnant la parole aux participants pour tester différents formats d’activité et type d’interaction.
L’intention initiale était de créer des groupes de travail inter-régionaux mais cela demandait une logistique trop lourde. Finalement, le principe proposé était de construire sur les idées de chaque lieu à travers plusieurs phases de travail (brainstorming, bonification, synthèse). Chaque question passait donc de salle en salle au moyen d’un fichier partagé.
Afin de rendre l’exercice encore plus porteur, il aurait aussi été pertinent de revenir en plénière pour présenter les fiches-idées et que les résultats des réflexions de la journée soient diffusés au maximum dans les différents réseaux.
Pour toutes les activités proposées (jeux et idéation) on retiendra qu’il est essentiel de tester le déroulement à l’avance et de faire une répétition afin que tous les animateurs puissent prendre leurs repères et soient pleinement en confiance avec l’exercice.